A la base, Samuel Azariel Rosenbach voulait retourner en ville pour se restaurer. Après sa péripétie en tant que licorne où il lui suffisait de  brouter par terre pour se remplir la panse, il lui avait fallu un bon temps d’adaptation pour comprendre que non, les humains ne pouvaient pas vivre d’herbe et d’eau fraiche. Il s’était doute résolu à retourner à la civilisation, s’il n’arrivait pas à mendier un sandwich à la rhubarbe à un passant, mais rien d’autre. Parce qu’il avait une envie de rhubarbe comme les femmes enceintes, mais il dirait plus que c’était un ordre de sa vie antérieure.

Alors, comment s’était-il retrouver sur branche dans vallée, essayant d’attraper de l’or ? Lui-même l’avait oublié, même s’il savait que ça avait un rapport avec le beurre et une crémière. Sans doute s’était-il rappelé que dans la vraie vie, il fallait donner des trucs brillant pour nous laisser chasser le poisson pané et le ramener chez nous. Bon on lui avait sans doute dit que c’était dangereux, mais dans la tête de l’anglais, dangereux signifiait amusant dans sa tête.

Alors voilà, il prit en chasse un morceau doré en hauteur, alors qu’il en poussait dans le sol et il tomba. Bon ce n’était que de quelques mètres mais l’impact expulsa ses lunettes à quelque mettre. Il se massa le derrière, là où il était tombé et il tenta de réfléchir. Maintenant que faire ? Déjà, retrouver des lunettes serait pas mal. Ce n’était pas qu’il n’aimait pas voir flou mais c’était légèrement gênant qu’il ne puisse pas distinguer ses doigts. Comment être  sûr qu’ils étaient encore là ?

Alors il tâtonnait, collant sa tête au sol comme un chien recherchant une piste. Mais tout ce qu’il trouva… Ce fut des pieds. Il releva la tête, et comme il n’arrivait pas à reconnaitre la personne, il plissait les yeux, comme dans les dessins animés. Mais rien à faire, cela ne restait qu’une  forme floue. Il n’y avait qu’une seule réponse pour Samsam.

« Un Flouhom ! »

Ou un homme flou ou encore un fantôme effacé, le pire ennemi de l’appareil photo. C’était la première fois qu’il en voyait un. Il tentait de le dévisager, mais son regard était partie vers le tronc d’arbre qu’il croyait être son bras. Et ses lunettes ? Quelles lunettes ? Elles traînaient encore quelque part, sans doute.

Mais lui en avait déjà oublié leur existence. Déjà. C’était un boulet.

Finalement les Flouhoms parlaient. C’était une fabuleuse nouvelle ça. Son visage figé s’illuminait que de ses pupilles comme s’il venait de découvrir Atlantide. Et puis bon, juste l’idée de parler avec un être différent prouvait qu’il pouvait bien être une réincarnation de palourde. Il avait tout à gagner à avoir la foi comme on le dirait dans un gospel. C’était sans doute cette image qu’il devait avoir dans sa tête à cet instant précis. Avec de la rhubarbe en prime. Pour résister à son estomac un peu plus longtemps. D’ailleurs, s’il avait ce ton, c’était sans doute que les Flouhoms devaient avoir du mal à rendre leur voix réel. Il aurait été plus simple de voir que c’était une personne qui en avait déjà marre de ses rêves.

Mais la simplicité, c’était pour les gens ennuyeux.

Alors, il se releva, alors que ses lunettes étaient encore portées disparues. Mais il sembla plus opportun de lui répondre. Sans vraiment mentir, mais sans dire la vérité. Il dosa ses mots, lâchés comme une bombe dans un désert :

«  J’ai faim. T’aurais pas des blettes ? »

Ouais, il avait changé d’avis. Maintenant c’était les blettes qui voulaient dans son assiette. Même si en réalisé il voulait retrouver la ville. Cela lui semblait plus intéressant ainsi. S’il avait le choix entre la ligne droite ou le labyrinthe, il choisirait les dédales chaotiques et dangereux. Il était le dieu palourde, il s’en sortirait toujours, c’était avec cette certitude qu’il avançait. Remettant la bretelle de son sac, il pencha la tête. En fait, il avait autre chose à demander, mais n’était-ce pas indiscret pour un inconnu rencontré il y avait trente secondes ? Il réfléchit une milliseconde, et puis il décida que de toute manière, cela ne ferait pas de mal  de nourrir sa curiosité.

«  Mais vu que t’es un Flouhom, pourquoi t’es pas dans ta maison dans les nuages. »

Nan il n’avait pas besoin de fumer pour planer. C’était naturel chez lui. Enfin dans ce cas précis, il était plutôt suicidaire.

Parce que vu l’animosité de son interlocuteur, il aurait dû rebrousser chemin. Mais un cerveau ne s’achetait pas dans les supermarché hélas.