May est une fille simple, au passé encore plus simple. Elle fut issue d'une famille modeste, sans problème - mise à part quelques couac financiers. Et c'est bien à cause de ça que ses parents travaillaient beaucoup.

Sa mère était peintre, et son père infirmier. Tout deux multipliaient les heures supplémentaires, elle celles des croquis, lui celles de garde. May y était habituée, et devenir autonome de façon précoce ne l'a pas rendue plus mature pour autant.

Le seul souci, c'est que May était désespérément seule. Tout le temps, elle en parlait à son père, qui lui offrait son temps libre pour l'écouter même si elle savait que ce n'était pas vraiment le cas. Mais ça l'aidait de parler à quelqu'un.

Ce qui la faisait tenir face à la solitude ? En fait, elle avait revu un garçon tout mignon de terminale prénommé Thomas, un garçon avec des cheveux sombres et des petites lunettes. May l'entendait souvent parler de jeux vidéos avec ses amis depuis qu'elle était en sixième, elle aurait voulu lui dire à quel point elle l'aimait depuis le collège quand ils s'étaient rencontrés au concert de l'orchestre où tout les deux jouaient à l'époque.

Mais elle ne faisait que bafouiller, puis s'en allait en courant, rouge pivoine au loin.

Au lycée on lui avait trouvé un surnom "Crevette", parce que May était fine, sans défense, sans aucune arme pour se protéger. On la disait mystérieuse, étrange et même pire : bizarre. Ça faisait rire les gens. " Tant mieux ! " qu'elle se disait.

Elle ne savait pas pourquoi personne ne l'aimait mais ça ne la gênait pas plus que ça d'être seule ; puis un jour, elle rentrait chez elle, sous une pluie tonitruante, jusqu'à ce qu'une de ces filles de terminale, qui accompagnait le jeune Thomas et un autre gars, l'arrête en l'attrapant par l'épaule.

« Et crevette, t'en va pas si vite ! Et d'abord, Qu'est-ce que une si petite gamine fout en deuxième année hein ? »

« J-J'ai sauté une classe en fait.. »

Elle se souviendra toujours de la façon dont le petit ami qui l'accompagnait l'a soulevée par le col de sa chemise après un petit signe de cette fille.

« Et c'est bien toi qui m'a traitée d'idiote parce que j'avais redoublée hein, petite connasse ? »

May n'avait pas pu répondre à la question que sa respiration fut coupée nette. Et dire qu'un coup sous sa nuque l'avait amenée au bord de la mort. L'enflure, il l'a tabassait sous les yeux de Thomas qui leur criait d'arrêter ce massacre. Puis il fut frappé autant qu'elle, si ce n'était plus, s'écroulant dans son sang sur les pavés.

Ses cris, Mat s'en souviendra toujours. Il agonisait, et la vue du sang l'horrifiait (il l'avait confié à May en sixième) le voilà le pauvre, trempant dans son sang, la colonne vertébrale brisée par les coup de ce mastodonte de terminale (saleté !).

« Merde, y'a quelqu'un qui arrive, viens on se tire, on va se faire choper, allez magne ! »

Ils étaient partis, cette fille et lui.

« May, bonne chance. »

Il souriait, il connaissait son prénom, il lui prit la main, et la regarda droit dans les yeux.

« T'as intérêt à ne pas m'oublier hein.. allez sourit. »

« D-Dis pas ça comme si tu allais y passer ! On va trouver une solution. »

Il ne parlait plus, tourna la tête pour fermer les yeux. Il ne bougeait plus. Thomas avait été tué, comme ça, alors qu'il tentait de défendre la petite May. Elle rampait, une jambe brisée, vers son corps.

« Réveille-toi... Thomas, je suis désolée. Si désolée, je t'aime tellement... Pitié, reste avec moi merde ! »

Elle savait qu'il venait de mourir, elle lui parlait comme pour maintenir son image dans sa tête, comme les jeunes enfants, et elle resta assise contre lui, sans bouger. Tout les lampadaires s'éteignaient. Et cette fille accourut, avec son petit gilet et ses lunettes rouges.

« Hé Toi, il est mort ? (...) Bordel, j'arrive trop tard.. »

Elle lui expliqua que Thomas avait prié pour que May et lui parte sur ce qu'elle désignait par "un nouveau monde" dont May ne savait rien. Une jolie histoire digne d'un conte de fée pour enfants.

Puis elle lui prit la tête, lui dit de respirer un grand coup, de penser à ce que serait un monde parfait.

Un monde où elle vivrait avec Thomas, où elle ne serait plus seule, plus jamais. Puis plus rien. C'est une période de trouble indescriptible. Elle s'était juste réveillée dans les bras de la fille de tout-à-l'heure après un moment de flottement dans une sorte de quatrième dimension.

« Tu es saine et sauve maintenant, t'inquiète pas. »